Retour de service - John le Carré

Espionnage

Editions Le Seuil - mai 2020 - 304p / Traduction Isabelle Perrin

Synopsis : À quarante-sept ans, Nat, vétéran des services de renseignement britanniques, est de retour à Londres auprès de Prue, son épouse et alliée inconditionnelle. Il pressent que ses jours comme agent de terrain sont comptés. Mais avec la menace grandissante venue de Moscou, le Service lui offre une dernière mission : diriger le Refuge, une sous-station du département Russie où végète une clique d'espions décatis. À l'exception de Florence, jeune et brillante recrue, qui surveille de près les agissements suspects d'un oligarque ukrainien. Nat n'est pas seulement un agent secret. C'est aussi un joueur de badminton passionné. Tous les lundis soir dans son club il affronte un certain Ed, grand gaillard déconcertant et impétueux, qui a la moitié de son âge. Ed déteste le Brexit, déteste Trump et déteste son travail obscur. Et c'est Ed, le plus inattendu de tous, qui mû par la colère et l'urgence va déclencher un mécanisme irréversible et entraîner avec lui Prue, Florence et Nat dans un piège infernal.

 Ma lecture :

Ce grand auteur est décédé en fin d'année 2020. En hommage et par curiosité, malgré le fait que les romans d'espionnage ne soient pas mes favoris j'ai souhaité découvrir sa plume. J'ai donc choisi son dernier roman publié à l'âge de 88 ans tout de même. Son imagination n'a pas faibli avec les années.

Vous avez peut-être lu celui qui l'a fait connaitre "L'espion qui venait du froid", et peut être même vu le film qui porte le même titre, avec Richard Burton.

Je me dois de vous avertir qu'il ne faut pas s'attendre à un James Bond 007, actions à profusion et gadgets à gogo. Le rythme est lent, on se délecte surtout de la plume et des avis pertinents et sans filtre de l'auteur.

Vous en apprendrez plus sur le Brexit que vous ne vous triturez les méninges sur l'espionnage. Il faut voir ce roman plus pour son coté "culturel" et peut-être initiatique à la géo-politique.

"Tout ce qu'elle nous a appris n'avait qu'un seul but, nous permettre de nous assimiler à notre ennemi occidental. "Avec le temps, vous deviendrez comme eux. Vous penserez comme eux. Vous parlerez comme eux.  Vous aurez les mêmes sentiments qu'eux et vous écrirez comme eux. Ce n'est que dans le secret de votre cœur que vous resterez l'un des nôtres".

Nat, le héros qui semble avoir eu bien des aventures auparavant est de retour à Londres auprès de sa femme Prue. Mais on ne décroche pas aussi facilement de temps d'années au services secrets de sa majesté. Au centre d'une Angleterre en plein Brexit, divisant les opinions, Nat va être rappelé pour diriger le Refuge. Cette zone où sont délaissés des ex-informateurs de bas étages et autres rebuts dont on ne sait que faire. Son acolyte féminin, Florence est très engagée politiquement. Dans son club de quartier, il va y faire la connaissance de Ed joueur de Badminton comme lui, aux opinions bien tranchées. Ces trois là, vont se retrouver à devoir choisir entre le sens moral et le sens du devoir. 

Au travers d'une intrigue originale et captivante, John le Carré exprime assez clairement ses opinions politiques, ses regrets sur l'Angleterre d'autrefois, cette dérive du monde.  Il pose même ses personnages face à un cruel dilemme, duquel on ne peut resortir totalement libre.

Ses connaissances semblent sans fin, il les développe dans des argumentaires impressionnants - parfois un peu trop longs à mon gout cependant - le sujet le passionnait c'est certain.

Si vous n'avez jamais lu de John le Carré et que vous ne souhaitez pas reprendre sa bibliographie depuis le début, je pense que ce roman représente assez bien son oeuvre. Mêlant la politique et l'espionnage qui n'embrument pas le cerveau. Il y allie une analyse particulièrement pertinente de la nature humaine évoluant dans une société qui échappe au plus avisé des hommes. 

Divertissant et interrogatif, la plume est alerte - j'oserai dire malgré ses 88 printemps - et le récit vous offre une vision de l’Angleterre d'aujourd'hui vers l'Angleterre de demain, des secrets d'état, des alliances géo-politiques, des plus glaçantes. 

Les dialogues sont incisifs et hilarants. Il ne mache pas ses mots le Carré et c'est un régal à lire.

Auteur spécialisé dans l'espionnage, qui nous offre un dernier roman mais surtout ses dernières opinions bien tranchées, avec un arrière gout d’amertume et de nostalgie. A découvrir.

Petite biographie de l'auteur : David John Moore Cornwell alias John le Carré née le 19 octobre 1931 et mort le 12 décembre 2020 est un romancier britannique. 

Il a étudié à l'université de Berne en Suisse de 1948 à 1949 et à l'université d'Oxford au Royaume-Uni, puis enseigna quelque temps au collège d'Eton avant de rejoindre le Foreign Office pendant cinq ans. Il a été recruté par le MI6 alors qu'il était en poste à Hambourg, il écrivit son premier roman "L'Appel du mort" ("Call for the Dead") en 1961, étant toujours en service actif. Sa carrière au sein du service de renseignement britannique prit fin après que sa couverture fut compromise par un agent double, Kim Philby, œuvrant pour le KGB.

Dix de ses romans ont été adaptés au cinéma et deux autres en série TV : "Le Directeur de nuit" ("The Night Manager", 2016) et "La petite fille au tambour" ("The Little Drummer Girl", 2018).

Son fils Nicholas Cornwell (1972) est un écrivain de science-fiction et de fantasy, connu sous le pseudonyme de Nick Harkaway.

Bibliographie (23 romans - extrait) : 

1961 : L'Appel du mort

1963 : L'espion qui venait du froid

1989 : La Maison Russie

2017 : L’Héritage des espions

2020 : Retour de service