28 février 2020

Le consentement - Vanessa Springora - Editions Grasset

Autobiographique

Editions Grasset - 2 janvier 2020 - 216p

Le consentement Vanessa Springora chronique littéraire happybook happymanda

Synopsis : Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. A treize ans, dans un dîner, elle rencontre G. , un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses oeillades énamourées et l'attention qu'il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin " impérieux " de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l'aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu'elle vient d'avoir quatorze ans, V. s'offre à lui corps et âme.

Ma lecture :


Ce roman fait grand bruit et c'est après en avoir discuté avec Jessica B blogeuse littéraire de Livre addict que je me décide à me plonger dedans.

J'avais vu cet extrait de l'émission où ce cher GM apparait, je m'étais insurgée sur mon profil facebook de ses paroles à caractère pédophile, ensensées à heures de grande écoute, par des sommités littéraires et autres à la télévision. 


La bonne tête de l'emploi !


Coincidence, deux jours avant de le lire je vois ce film :

C'est quasi la même histoire : The girl in the book, où une jeune fille en plus de perdre toute son innocence auprès d'un mentor écrivain, perdra aussi son âme par le vol de ses écrits qui deviendront un best sellers et la hante où qu'elle aille, quoiqu'elle fasse. Et tout cela avec le consentement voilé de ses parents.

Un film magnifique, boulersant qui est un vrai parallèle avec ce livre. Je vous conseille également de le visionner.

On peut dire quand la fiction rejoint la réalité.

Je vous laisse découvrir la bande annonce hélas en VO mais le film est en VF :



"Il était temps que cela sorte" voilà ce que j'aurais envie de dire après cette lecture. Dans ce récit, Vanessa Springora nous explique que le "plus tôt" a été complétement manipulé, mais par moment cela ne m'a pas paru très convaincant j'ai vraiment ressenti "son consentement" dont elle ne nie pas l'existence à l'époque et même après d'une certaine façon. Attention je ne remets pas du tout en doute les conséquences, la manipulation, j'ai eu l'impression d'un discours timoré. Pas de haine, pas de rancoeur, pas d'explosion de colère. Peut-etre arrive t-il à la fin du chemin du deuil ? Une culpabilité semble émerger la sienne hélas.

L'histoire est tristement simple. V. n'a que 13 ans quand elle tombe amoureuse de GM. Enfin, elle le pense car personne ne lui montre le chemin ou ne lui dit qu'à cet âge l'image est faussée, tout est sublimé et que dans cette force de l'opposition propre à l'adolescence le risque est de se perdre. Un homme de 36 ans son ainé est un homme qui doit avoir un comportement de protection et non de perversion envers une très jeune fille. Il devient son mentor à la ville comme à la chambre. Orientant ses pensées vers sa propre norme, la remodelant jusqu'à ce qu'elle perde ses propres repères. Pourtant, elle sent que quelque chose lui échappe, que quelque chose n'est pas "normal". Seule, en grandissant, elle mettra les petites pièces de puzzle côte à côte et elle pourra dire "oui j'étais consentante, mais il a abusé de tout mon être, car je n'étais qu'une enfant et je ne pouvais pas échapper à son emprise qui servait non pas l'amour, mais le sexe, son sexe, son plaisir, sans que jamais une main ferme et efficace ne me soit tendue." Le voleur d'enfance évolue avec aisance reconnaissance et appui dans le milieu littéraire, la reconstruction n'en est que plus difficile. Un père absent, une mère qui cède facilement à son choix sans jamais le remettre en question, sans jamais se remettre en question. Et de tout ça VS va devoir en faire une résilience, le livre est la dernière pièce.

Par chance, je n'avais jamais été au fait de cet auteur, encore moins de ses écrits. Ce que je ne comprendrais jamais dans ces histoires ce sont les témoins qui ferment les yeux, les bouches, les oreilles ils sont aussi coupables que ceux qui actent. Des complices qui méritent le même châtiment.


Revenons au roman. C'est un témoignage, et il a donc ses qualités autant que ses défauts. Sa qualité première est qu'il fait parler nos émotions, mais son plus grand défaut c'est que l'écriture est de très moyenne qualité. Parfois embrouillé, parfois confus, et un message de dénonciation indirecte au milieu. Un livre thérapeutique pour l'auteur, mais pas le grand livre pour le lecteur.

J'avais également lu le témoignage de Flavie Flament sur l'affaire avec David Hamilton. Histoire très  très proche : 13 ans au moment des faits et quand elle peut enfin en parler l'homme a 83 ans comme GM aujourd'hui. L'un choisi de se donner la mort l'autre s'exile en Italie. Un traumatisme que son cerveau a géré avec une amnésie. Cette affaire a eu au moins le mérite d'allonger le délai de prescription de 20 à 30 ans en cas de viol sur mineur. Son histoire est aussi touchante, mais identiquement le texte manque de corps et de style.

J'ai l'impression que l'on se repose sur la force du témoignage, de l'impact qu'il aura plus que sur la qualité littéraire du texte et je trouve cela dommage. Car oui il faut le dire le crier haut et fort, mais autant bien l'écrire. Cette critique me vaudra peut-être les affres de certains lecteurs, mais pourquoi devrait-il échapper à la règle des critiques des autres ouvrages ?

Le témoignage de VS interroge sur la position de l'adulte face aux enfants et ces positions d'impunité dont certaines personnes bénéficient. La sincérité est présente, on ressent encore l'enfant qui parle avec ses propres mots, ses propres intentions romanesques. Lucide, mais l'être a été profondément abîmé et cela se perçoit sous sa plume.

Il n'y a pas de détails, de scène trash, le récit est très digne. Les sentiments éprouvés pas toujours compris à l'époque des faits sont encore à fleur de peau. D'abord l'incompréhension et l'âge avançant la résignation dans un élan de reconstruction. La fin du roman est plus mature plus posée et je l'ai plus appréciée. 

Les années 80-90 c'est aujourd'hui et non hier et elles étaient régies par les mêmes lois anti-pédophilie et la majorité sexuelle était aussi de 15 ans. Les prédateurs sexuels sont partout et moi aussi je suis dans l'incompréhension familiale, sociale pourquoi les adultes ne remplissent pas leur rôle premier de protecteurs ? L’auteur ne le met pas assez en avant à mes yeux. On se révolte plus de l'histoire que de sa mauvaise transmission.

Les romans de cet homme ont été aux mains de milliers de personnes, ses interviews à la vue de millions de téléspectateurs. Une femme a crié au scandale sur un plateau, quelques petits remontages de bretelles, mais surtout une immunité à toute épreuve. Comment se reconstruire quand tout est hanté, perverti ? 

Ses victimes ? le silence radio. V.S. se livre à bout de bras à bout de force dans ce roman. Il lui a fallu probablement beaucoup de courage pour arriver jusque là.

Je n'aime pas les biographies, car on ne peut refaire l'histoire, on ne peut inventer une autre fin, ou s'imaginer l'happy end qui nous fera dormir en paix. Mais il y a des biographies qu'il est important de lire, car elles véhiculent un message. Ici Vanessa Springora nous met face à une aberration sociale : celle des êtres érudits, publics et autres outrageusement protégés et ce même si ce sont des enfants qui sont touchés. Elle se reconstruit à travers les mots couchés sur papier, un pied de nez à cet auteur qui a reçu le prix Renaudot tout de même. 

Un témoignage sincère où il est très difficile de ne pas s'insurger. Il se lit d'une traite, simple, l'histoire bouleverse même si ce n'est pas de la grande littérature. On entend les cris derrière les silences. Un texte qui ne secoue pas par l'empathie qu'il développe et c'est ce que je lui reproche.



Le consentement Vanessa Springora chronique littéraire happybook happymanda



Le consentement Vanessa Springora chronique littéraire happybook happymanda



Le consentement Vanessa Springora chronique littéraire happybook happymanda
                                       
             





2 commentaires:

  1. Merci pour ton avis. J'ai beaucoup entendu parlé de ce roman.

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    1. oui il a fait le buzz un homme perverti est grace à lui enfin mis en lumière et accusation

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